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Rencontre avec le Pr Jean-Daniel Lelièvre, coordonnateur du CEREDIH à Henri-Mondor

Le service d’immunologie clinique et maladies infectieuses des hôpitaux universitaires Henri-Mondor prend en charge les patients souffrant de déficits immunitaires de l’adulte depuis plus de 30 ans. Les patients sont essentiellement suivis dans les secteurs Consultation (diagnostic) et Hôpital de Jour (prise en charge thérapeutique et bilan) du service. Actuellement, 150 patients sont suivis régulièrement.

L’équipe impliquée dans le centre de compétence des déficits immunitaires héréditaires (CEREDIH) comprend 3 médecins, en plus des IDE de l’HDJ. Le centre est en lien étroit avec des structures libérales pour la prise en charge ambulatoire (perfusion intraveineuse ou sous-cutanée d’immunoglobulines polyvalentes).

Ce centre se distingue notamment par l’importance qu’il accorde à la vaccination, ainsi que par la collaboration étroite avec les collègues d’autres services (ORL et pneumologie) du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil (CHIC).

Pour mieux comprendre la prise en charge du CEREDIH, nous ne sommes entretenus avec son coordonnateur, le Pr Jean-Daniel Lelièvre.


Comment reconnait-on des déficits immunitaires héréditaires de l’adulte ?

Les déficits héréditaires adultes ont deux entrées possibles, pour une consultation.

La première est la survenue d’infections à répétition, au niveau des sphères ORL et pulmonaire en rapport conduisant les cliniciens à rechercher un déficit immunitaire et notamment une baisse des anticorps.

Une autre entrée est la découverte lors d’un bilan sanguin d’une baisse fortuite du taux d’anticorps, le patient étant souvent asymptomatique. Le taux d’anticorps est facilement apprécié grâce à l’électrophorèse des protéines plasmatiques (EPP).

L’EPP permet d’apprécier rapidement le taux de l’ensemble des protéines du sang. Cet examen est réalisé en routine par exemple lors d’un bilan d’asthénie.  Elle peut mettre en évidence une baisse des anticorps appelée hypogammaglobulinémie. Elle ne permet pas par contre d’apprécier la spécificité des anticorps qui persistent.

La cause la plus fréquente de baisse des anticorps est le DICV (Déficit Immunitaire Commun Variable) qui peut concerner des adultes de tout âge, pouvant aller de 20 à 70 ans.

Pouvez-vous nous expliquer comment se passe la prise en charge dans votre centre ?

Dans notre centre nous faisons d’abord une première consultation assurée par le Pr Yves Levy ou bien moi-même, à l’issue de laquelle nous faisons des explorations biologiques plus ou moins complexes.

En fonction des signes cliniques et de leur retentissement, nous ferons d’autres explorations complémentaires en hôpital de jour (scanner, explorations fonctionnelles respiratoires, endoscopies digestives, etc.)

Puis, nous organisons des RCP avec nos collaborateurs du CHIC (ORL et pneumologues), pour discuter de l’intérêt/pertinence de la mise en place d’un traitement (substitution par immunoglobulines polyvalentes dans le cadre d’un DICV, par exemple).


Pourquoi la vaccination joue-t-elle un rôle important dans cette prise en charge ?

La très grande majorité de nos patients se présentent avec une baisse des anticorps. Il n’est pas possible de corriger de manière définitive ce problème. Cependant, nous pouvons l’améliorer de deux façons ; premièrement, en boostant la réponse anticorps résiduelle par une vaccination contre les infections touchant notamment les sphères ORL et pulmonaires (vaccination anti pneumococcique, anti grippale, anti COVID19 et demain anti VRS). Cette option est proposée à tous les patients présentant une baisse du taux des anticorps.  Deuxièmement, et souvent en association avec la vaccination, nous proposons aux sujets les plus symptomatiques la réalisation de perfusions régulières d’anticorps prélevés chez des sujets sains.


De quelle manière collaborez-vous avez vos collègues du CHIC ?

Nous collaborations en effet régulièrement avec nos collègues du CHIC, notamment à travers une RCP mise en place dans le service, il y a une dizaine d’années. Nos collègues du CHIC sont régulièrement amenés à voir au départ ces patients. Ils nous les adressent secondairement, pour un bilan immunologique. Nous recevons environ 10 nouveaux patients par semaine. Parmi ceux-ci, tous n’ont pas nécessairement de diagnostic identifié. Pour ceux qui posent problème, nous en discuterons par la suite avec nos collègues du CHIC.


Quels bénéfices de cette prise en charge pour le GHU ?

L’apport est double pour le GHU : il bénéficie notamment de la visibilité d’avoir des centres de compétence et référence dans le GHU, ce qui est très important.

De plus, cette pathologie des déficits immunitaires de l’adulte est loin d’être négligeable. Ce sont des cas très fréquents. Tous les médecins en croiseront au moins une fois. Nous insistons beaucoup sur cela avec nos étudiants. C’est d’ailleurs moi qui ai été à l’initiative du fait que ce soit intégré aux ECN (épreuves classantes nationales).

Nous voyons des patients qui, parfois, sont diagnostiqués avec 10 ou 20 ans de retard. C’est important de s’y prendre tôt, car parfois les complications deviennent graves. Ici, au centre, nous assurons un suivi régulier et une prise en charge spécifique.


Le mot de la fin ?

En cas de suspicion de déficit immunitaire, il est important de ne pas hésiter à s’adresser en consultation. En effet les déficits immunitaires de l’adulte sont souvent diagnostiqués avec retard. Ce retard diagnostique peut engager le pronostic vital – bien que rarement – et, malheureusement plus fréquemment, le pronostic fonctionnel et altérer la qualité de vie.